Vers une reconnaissance juridique du sport électronique

La condition de joueur professionnel est encore très précaire en France, où les compétitions de jeux vidéo sont toujours assimilées à des jeux d’argent en ligne. Dans le sillage de l’adoption du projet de loi sur la République Numérique, le Premier Ministre a chargé le député Rudy Salle et le sénateur Jérôme Durain de proposer un cadre législatif et réglementaire pour créer les conditions de leur développement en France.

Gagner de l’argent en jouant  ? Pas toujours facile

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Se lancer dans une carrière de joueur professionnel n’est pas sans contreparties. Comme pour tout autre sport de haut niveau, devenir et rester joueur professionnel, nécessite un entraînement intensif. .Un entraînement qui va souvent de pair avec un abandon ou une suspension des études ou de son travail. Pour la plupart des joueurs, la frontière entre le niveau amateur et le haut niveau est suffisamment palpable pour que soit envisagée son franchissement. C’est le cas de Firecake, qui a quitté son travail d’ingénieur en septembre pour devenir joueur professionnel de StarCraft II. Une transition bien souvent appréciée voire soutenue par les proches dès lors qu’elle est couronnée de succès. Théo « Ptitdrogo » Freydière en est l’exemple. Moins de deux ans après son passage en temps plein sur le même jeu vidéo. Le jeune français a enchaîné les bonnes performances jusqu’à remporter un premier titre majeur, avec la DreamHack Winter 2016.

A l’inverse, d’autres comme llyes « Stephano » Satouri n’hésitent pas à faire machine arrière. En dépit d’une carrière particulièrement brillante ( il est à ce jour, l’e-sportif français à avoir gagner le plus d’argent sur un jeu vidéo), le joueur a décidé de mettre fin à sa carrière pour reprendre ses études en 2013.

Stephano meilleur joueur français de starcraft2
Ilyes «Stephano» Satouri, lors de sa victoire aux WCS EUrope 2012.

 

 

L’arbre qui cache la forêt

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Les feux de la rampe et les succès ne doivent pas effacer les difficultés que rencontrent les e-sportifs. Si des joueurs comme Stephano ou NBK ont dépassé les 200,000 $ de gains au cours de leur carrière, le reste du paysage e-sportif français n’est pas aussi resplendissant. On ne compte en effet que 11 joueurs français à avoir franchi la barre des 100,000 $ de gains. La plupart des joueurs dépendent largement de leurs sponsors et salaires d’équipes, quand ils en ont un. La première star du jeu vidéo français « Elky » qui s’était fait connaître en Corée-du-Sud sur le jeu national StarCraft : Brood War, n’a ainsi remporté que 16 ,000 $ au cours de sa carrière d’e-sportif, même si elle lui a sans doute permis de réussir une brillante transition dans le monde du poker.

La question de la répartition des gains n’est pas la seule à traduire la précarité -actuelle- du statut.

Le flou juridique qui pèse sur la statut de joueur professionnel est tout aussi précarisant. Résumée par Firecake, la condition de joueur professionnel est « catastrophique, il suffit d’essayer de t’inscrire à l’assurance maladie ou de payer ses impôts pour s’apercevoir que ce statut n’a aucune valeur en France ». La principale crainte de la communauté, c’est également de voir ce secteur florissant et jusqu’à présent autonome se faire chaparder par « des organisations qui veulent faire un maximum de fric », poursuit-il. Sans statut légal clair, c’est la porte libre à toutes les arnaques. C’est la raison pour laquelle on recense de nombreux cas de joueurs impayés, par leurs équipes ou par les organisateurs de tournois.

Et pour cause, en France, il n’existe tout simplement pas de statut de joueur professionnel comme en Corée du Sud. Les jeux vidéo sont tout bonnement considérés comme des jeux d’argent en ligne. D’autres raisons sont régulièrement pointées du doigt, non seulement par la communauté, mais aussi par le gouvernement.

En premier lieu, le fait que l’éditeur du jeu vidéo reste maître de son jeu.C’est pour le moment l’obstacle principal qui se dresse sur la route de la reconnaissance de l’e-sport comme un sport. Aux yeux du droit, l’éditeur est une entreprise et non une Fédération. Les compétitions ne peuvent donc pas être retransmises à la télévision puisque cela s’apparentrait à de la publicité. A Firecake de dérouler les exemples : « sur StarCrat II, si une organisation veut organiser un tournoi sur une version antérieure du jeu, ce n’est pas possible. Si les serveurs de jeux sont interrompus, le tournoi l’est aussi puisqu’il n’y a plus de mode LAN. S’il y a un problème d’arbitrage, c’est encore l’éditeur qui a le dernier mot ».

La mission parlementaire

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Adopté en première lecture le 26 janvier, à 391 voix pour et 1 contre, le projet de Loi pour une République Numérique portée par l’ancienne Ministre de Culture Axelle Lemaire avait pour ambition « d’anticiper les changements à l’œuvre, en saisir pleinement les opportunités, et dessiner une société conforme à ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité. »

De manière inédite, ce projet de loi s’est fait grâce au travail des internautes. Du 4 octobre 2014 au 4 février 2015, les internautes avaient donc la possibilité de faire connaître leurs propositions et leurs arguments auprès du Ministère via la plateforme de consultation en ligne.

8000 contributions pour 21 000 participants qui ont alimenté la procédure de co-écriture de la loi. Au total, ce sont 10 nouveaux articles qui sont venus compléter ledit projet. Dont l’article 42 relatif aux compétitions de jeu vidéo : « Afin de permettre leur développement, il convient d’exempter ces compétitions des interdictions fixées par les articles L. 322-1 à L. 322-2-1 du code de la sécurité intérieure. Cependant, une définition précise et un encadrement des compétitions de jeux vidéo restent nécessaires afin d’éviter toute dérégulation des jeux de cercle électroniques et de prévenir tout risque en termes de santé publique et de lutte contre la fraude et le blanchiment. En vue de définir cet encadrement, l’article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et modifiant le code de la sécurité intérieure afin de définir le régime particulier applicable aux compétitions de jeux vidéo pour en permettre l’organisation. »

Manuel Valls a donc chargé deux parlementaires Rudy Salle etJérôme Durain d’engager les consultations des acteurs du secteur.

La mission confiée aux parlementaires répond à plusieurs objectifs :

• Evaluer les enjeux des compétitions de jeux vidéo et évaluer les risques relatifs à l’ordre public et à l’ordre social,

• Proposer une stratégie de développement de l’attractivité de la France pour l’accueil de ces compétitions,

• Définir une stratégie de développement du secteur économique national, pouvant bénéficier des retombées liées à ces compétitions (plateforme vidéo, édition de jeux, produits dérivés etc),

• Proposer un cadre législatif et réglementaire cohérent avec les risques, les enjeux et les stratégies définis.

La mission engagée par le Premier ministre remplit deux objectifs principaux : proposer un cadre législatif réglementaire créant les conditions de développement des compétitions de jeux vidéo en France.

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Le sport électronique vu sous différents angles :

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